#6 RIEN À FAIRE

Pour ce dernier numéro de mars qui ouvre vers des printemps non silencieux, je vous propose, un grand saut dans le vide. Venez balayer le quotidien et vous émerveiller de l’ex nihilo, le sel de la vie, au son d’une journée idéale d’oisiveté, de « non doing ».

RIEN À FAIRE

© @carbo_14

Bonjour, nous sommes le 27 mars et nous sommes connectés comme par magie, grâce aux ondes (maléfiques car polluantes, mais bénéfiques, puisqu’on se parle) des réseaux intercapillaires numériques. Pour ce dernier numéro de mars qui ouvre vers des printemps non silencieux, je vous propose, un grand saut dans le vide. Connectons-nous au néant et à l’appel de l’ex nihilo. Venant du latin, ex nihilo signifie « fait à partir du rien ». Je ne vous apprends rien ici-bas, si je vous dis que notre monde est réglé sur la vitesse, la productivité, l’absurdité aussi, où le comble des extrêmes gagne du terrain, la surconsommation devient intrinsèque à notre essence, l’hyperactivité, la nouvelle doctrine de nos quotidiens, bref, tout s’emballe, et nous avec, sans filtre et sans reproche. Gouverné par nos peurs, le vide inquiète, le vide dérange et on le comble comme on bouche une fissure. 

Au Japon, il n’en est rien ; Souvent désigné par le terme "Ma" (間), ce concept ne renvoie pas à un néant absolu, mais plutôt à un espace entre les choses, une pause, un silence porteur de sens. "Ma" est un vide empli de possibilités, une respiration qui permet à l’essentiel d’émerger. On le retrouve dans l’architecture, la musique, les arts martiaux, la peinture, la poésie… C’est ce qui donne du rythme, du contraste, du relief. Dans son dernier livre, Le vide qui est en nous, la psychanalyste Hélène L’Heuillet invite à le réhabiliter, lui laisser une place au cœur de nos existences saturées, asphyxiées par l’agenda, la productivité, la connexion permanente. Comme une respiration. Comme un retour à soi. Car tout est fait pour l’éviter. Le vide s’apparente à un défaut de maîtrise, une perte de temps, une anomalie dans le flux incessant de nos vies hyper-organisées. Il faut être occupé. Tout le temps. Même en vacances, où l’injonction est paradoxale : il faut se reposer, mais aussi en profiter, explorer, optimiser. On rentre plus fatigué qu’on est parti. Parce que l’oisiveté a mauvaise presse. Parce que ne rien faire, c’est prendre le risque d’affronter le silence, et ce qu’il raconte de nos failles, de nos doutes, de nos désirs en suspens. Et si l’espace vide n’était pas une absence, mais une ouverture ? Un terrain de jeu pour l’imaginaire, un creuset où le désir reprend souffle, où l’esprit se déleste. Une invitation à habiter autrement son propre temps, non pas en le remplissant à tout prix, mais en acceptant ce qu’il laisse émerger quand on cesse de vouloir tout maîtriser. 

C’est moi qui dis ça … alors que mes ami-es claironneront tout de suite et poufferont en hurlant « faites ce que je dis et pas ce que je fais » ou « ta vie est un roman » sous-entendu pas de pages blanches mais griffonnée de haut en bas ne laissant aucune place au néant, au vide. Je crains le vide, j’ai le vertige :) donc oui j’avoue je remplis je remplis jusqu’au bord du bord de la page du carnet. Je ne laisse pas de marge et pourtant j’aime l’inattendu. Pour notre quatrième rendez-vous de l’année, je voulais égrener les petits riens, écrire un inventaire à la Prévert. Sur les petites choses de la vie, les inaperçues du quotidien, des détails de la vie, comme assimilés au rang de « déjà fait, déjà entendu », donc devenus invisibles à nos yeux. L’artiste coréen Lee Ufan n’a cessé d’honorer le rocher, le monolithe de pierre, car la plupart du temps, sur une plage, au détour d’une montagne, d’un sentier on passe son chemin, sans lui accorder aucune attention particulière, sans se rendre compte de son existence. Venez balayer le quotidien et vous émerveiller de l’ex nihilo, le sel de la vie, au son d’une journée idéale d’oisiveté, de « non doing ». Le pied, à côté l’orgasme, c’est presque rien. 

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ÉCOHÉDONISME. La lettre Hum media

Par HUM Media

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